[Gabon] Justice / les magistrats prennent fait et cause pour Olivier N’Zahou

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Déclaration du SYNAMAG

Chers camarades, 

Chers collègues, Mesdames et Messieurs

Comme vous pouvez vous en douter, le présent point de presse est une réaction au dernier Conseil Supérieur de la Magistrature extraordinaire qui s’est tenu vendredi dernier.

 mais avant de vous exposer les griefs que nous lui formulons, les magistrats du Gabon par notre voix tiennent à vous adresser tous leur sincères regrets pour l’image désolante que l’exécutif nous force à vous présenter.

Chers concitoyens, Le magistrat ne devrait pas avoir recours à de telles méthodes, mais face à un exécutif qui fait d’eux les Pantins de la république, nous n’avons d’autre choix que répondre par les mécanismes les plus expressifs qui soient.

C’est conformément aux dispositions de l’article 3 des statuts de notre syndicat, qui disposent entres autres que «  le synamag a pour objet : – de veiller au respect de l’indépendance de la Magistrature ; de défendre les intérêts matériels et moraux des Magistrats ; de promouvoir et renforcer l’esprit de corps au sein de la Magistrature en créant un climat et des occasions propices aux échanges entre Magistrats ; de préserver la corporation des Magistrats contre toutes formes d’atteintes ;

Au regard de ces dispositions, et eu égard à l’actualité judiciaire, la corporation des magistrats voudrait ici et de manière énergique dénoncer les agissements des officiers de police judiciaire, des services de renseignements et spéciaux qui considèrent que le Gabon est un pays de non droit.

Non Chers collègues,

Chers camarades,

Mesdames et messieurs,

Peuple Gabonais,

Il est vrai que nul n’est au-dessus de la loi,  même pas le juge qui rend la justice en votre nom, mais le juge n’est pas un justiciable comme les autres. C’est donc le lieu ici de rappeler à certains zélés que le peuple gabonais par la voie de ses représentants a mis en place des mécanismes d’enquête, d’arrestation, de poursuite et de jugement des Magistrats à travers la loi N°12/94 du 16 septembre 1994 portant statut des magistrats.

Cette loi prévoit que tout fait de nature à entraîner des poursuites répressives à l’encontre d’un magistrat doit faire l’objet d’une enquête immédiate de son chef hiérarchique, assisté, seulement en cas de flagrance, des agents des forces de sécurité. Dans le cas contraire, l’enquête est confiée à l’inspecteur général des services judiciaires sur instruction du ministre chargé de la justice. 

Au regard de cette disposition, aucun officier de police judiciaire ni même les responsables de la Direction Générale des Services Spéciaux ne peuvent convoquer ni entendre un Magistrat. La seule  supputation d’une telle démarche est la marque d’une ignorance flagrante des règles élémentaires de procédure en matière pénale.

Enfin, toute mesure d’arrestation ou de détention à l’encontre d’un magistrat ne peut intervenir que sur décision du Président de la République après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature siégeant en matière disciplinaire. Alors que ceux qui pensent qu’ils peuvent interpeller un magistrat ait la modestie d’aller lire la loi.

Car sinon ils commettraient le crime d’arrestation ou séquestration arbitraire prévu à l’article 395 du Code Pénal et puni de 20 ans de réclusion criminelle et 20 000 000F.CFA d’amende au plus. Il n’est pas de trop d’indiquer que la tentative de tels faits est punissable.

Peuple Gabonais, loin de nous l’intention de protéger l’un des nôtres, la démarche du SYNAMAG n’est nullement d’entraver les procédures judiciaires à l’encontre d’un magistrat mais, d’avertir aux nouveaux enquêteurs les dispositions législatives qui encadrent la mise en cause d’un magistrat dans des faits répréhensibles. Nous rappelons également que la présomption d’innocence est un principe de droit que l’on doit accorder à tous.

C’est pourquoi, le SYNAMAG encourage notre collègue à faire toute la lumière sur les faits qui lui sont reprochés uniquement devant les organes compétents en la matière et à la seule condition que les droits de la défense de ce dernier préservés dans le respect des procédures prescrites, notamment, la notification écrite de sa convocation, la mise à disposition du dossier d’instruction, et la présence d’un conseil lors de l’audience.

Ce n’est qu’à ces conditions remplies, et ce parce que c’est la loi qui le prescrit que nous accepterons que notre collègue soit jugé. Dans le cas contraire, nous invitons tous les magistrats imprégnés de l’esprit de corps noble, d’empêcher par tous moyens toute tentative d’arrestation de notre collègue. Le respect de notre statut e dépend.

Mais d’ailleurs, que reproche t-on à notre collègue, monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de première Instance de Libreville ? d’avoir été doté de véhicules ; d’avoir reçu quelques subsides mensuellement ; d’avoir eu une maison.

Mais mesdames et messieurs, chers collègues, posons –nous la question : notre collègue a-t-il obtenu ses biens de manière frauduleuse ?

Combien de responsables administratifs et politiques, voire militaires n’ont pas bénéficié de la mansuétude de ce bienfaiteur qui se faisait passer y’a pas longtemps pour le messager ?  Recevoir un cadeau constitue-t-il une infraction ? Si tel est le cas, il faudrait alors construire rapidement des nouvelles prisons pour accueillir ces nouveaux types de détenus au regard de leur nombre dans le pays.

Peuple gabonais,

Le SYNAMAG est résolument engagé à lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite.

C’est pourquoi, il invite les nouveaux enquêteurs de la nouvelle opération MAMBA à se conformer aux procédures en matière d’audition, d’interrogatoire, de perquisition, d’interpellation et de garde à vue de toutes les personnes soupçonnées des faits de corruption et de blanchiment de capitaux. Car, le risque est de voir toutes ses procédures entachées d’irrégularités qui conduiraient à leur nullité.

Nous invitons, le nouveau Procureur de la République à ouvrir une enquête sur la fortune de certains de ces agents.

Chers collègues,

Chers camarades,

Mesdames et messieurs,

Peuple Gabonais,

Les fondements de la séparation des pouvoirs sont une fois de trop menacés, voire phagocytés par le pouvoir exécutif.

En lieu et place des passerelles de communication entre les différents pouvoirs prévues par Montesquieu, il existe aujourd’hui des véritables boulevards crées et entretenus par le pouvoir exécutif lui permettant de faire ce qu’il veut et quand il le veut et à qui il le veut.

Cette assertion s’illustre par la chosification faite à notre justice, la transformant à une simple justice de distraction et de règlements de comptes.

Oui Peuple Gabonais

Nous disons haut et fort ce jour que le pouvoir exécutif instrumentalise la justice de notre pays.

En effet, les immixtions récurrentes de l’exécutif dans les compétences du pouvoir judiciaire ont atteint leur apogée par le Gouvernement en décidant à l’issue d’un Conseil Supérieur de la Présidence de la République en lieu et place  de la Cour de Cassation d’organiser l’installation des magistrats nommés et promus au cours de cet énième Conseil Supérieur de la Magistrature en moins de quatre mois.

Quel genre de justice souhaitons-nous pour notre pays ? Allons-nous continuer à être le marche pied de l’exécutif ? Allons-nous continuer à se faire phagocyter par l’exécutif ? Allons-nous continuer à être instrumentalisés par l’exécutif ?

Quel espoir peut-on apporter à une nation dans laquelle les citoyens n’ont aucune chance d’avoir accès à un juge libre et indépendant parce que justement tout est fait pour que ce soit toujours le faible qui paye le lourd tribut.

Quelle indépendance un magistrat peut-il avoir si son droit de vie et de mort peut se décider au gré des humeurs d’un exécutif loin d’être lui-même un exemple de probité? 

C’est pourquoi, très humblement nous sollicitons votre indulgence, car c’est en votre seul nom que nous rendons justice.

En l’asservissant De plus en plus, la justice est devenu le parfait outils par lequel on veut régler les comptes à ses adversaires politiques en mettant de côté les objectifs essentiels de performance, de moralisation de la vie publique et de satisfaction de l’intérêt général.

L’armée, la police et tous les corps de sécurité ont perdus les valeurs républicaines qui fondent leur action. Elles ne sont plus pour la protection du territoire, des biens et des personnes mais pour protéger une minorité qui pille, vol et détourne en toute impunité l’argent public.

Vous nous répondrez certainement que nous sommes ceux-là qui les laisse en liberté et fermons les yeux sur ces crimes crapuleux. 

Cher concitoyens, sachez qu’il en sera toujours ainsi tant que c’est l’exécutif qui choisira son juge.

C’est pourquoi le Synamag s’est toujours battu pour une réforme profonde du conseil supérieur de la magistrature et  de la disparition pure et simple du lien hiérarchique qui existe entre l’exécutif et le magistrat du parquet qui fait de ce dernier l’œil-de-bœuf de l’exécutif dans la magistrature.

Oui cher concitoyens, Quelle avenir pouvons-nous construire avec une justice embrigadée ?

L’image de la Justice du Gabon est écornée sur le plan national ainsi qu’international à cause d’un pouvoir exécutif mal inspiré, manquant de repère, d’exemplarité et de certitudes quant à la conduite de ce pays doté de richesses incroyables avec une faible population vers l’émergence tant promise. Les erreurs de casting se succèdent mois par mois, année par année.

Monsieur Stephen Jackson, représentant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a déclaré qu’au Gabon « la corruption nuit à l’équilibre social et constitue un frein pour l’harmonisation des ressources et ternit l’image du pays ».

Aujourd’hui, c’est la Justice qui fait les frais de cette incompétence. Comment comprendre que des collègues nommés et installés il y’a à peine deux semaines puissent être relevés de leurs fonctions sans qu’ils aient le temps de poser des actes et donc d’avoir été évalués pour justifier cette parodie de conseil ?

Comment peut-on gérer la Justice d’un pays en tenant compte des humeurs ou frustrations des thuriféraires du pouvoir ?

Chers collègues,

Chers camarades,

Mesdames et messieurs,

Peuple Gabonais,

Si nous acceptons cela, nous accepterons de vivre dans une République dictatoriale, un Etat de non droit avec une Justice orientée.

En 2016, nous avons dit NON PLUS JAMAIS Ça !

Aujourd’hui nous le répétons NON PLUS  JAMAIS Ça !

Nous tenons à dénoncer et à protester contre la forme de la tenue du dernier conseil supérieur de la Présidence de la République.

A titre de rappel, le conseil supérieur de la magistrature est consacré par la loi N°2/93 du 14 avril 1993 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de ce conseil.

Cette loi prévoit que les décisions du conseil supérieur de la magistrature sont prises à la majorité absolue des voix au premier tour et à la majorité simple au second tour. Qu’en ce qui concerne les nominations, affectation ou promotion, c’est uniquement le Ministre chargé de la justice qui soumet au conseil supérieur de la magistrature, qui statue, les propositions des chefs de cours et de l’administration centrale du ministère de la justice.

Mieux, ces propositions doivent s’appuyer sur une liste d’aptitude établie à cet effet.

Mais aujourd’hui en violation flagrante des textes, c’est désormais les services de la présidence de la République qui font les nominations, les magistrats membres vont y prendre pour prendre acte de leur choix. Au point où, nous avons l’impression que tout changement au cabinet présidentiel entraine convocation d’un conseil supérieur de la magistrature 

 En effet, après consultation de nos collègues présents à cette session dite extraordinaire, les nominations issues de ce tour de table n’émanent pas des magistrats, mais plutôt de la Présidence de la République.

Nous avons constaté pour le regretter qu’il n’y a pas eu de travaux préparatoires avec nos différents chefs de cour comme l’exige la loi.

Mesdames et messieurs peuple gabonais, dans quel État sommes-nous ?

Pour finir nous demandons purement et simplement l’annulation des dernières mesures du  conseil supérieur de la magistrature extraordinaire au regard de ce qu’il a été organisé en violation flagrante de la loi.

La facilité avec laquelle vous l’avez convoqué vous permet d’en convoquer un autre dans les huit jours. Sinon, le Synamag se réserve le droit de prononcer la levée immédiate de la suspension du mot d’ordre de grève illimité lancé y a quelques mois. 

D’où le présent préavis.

Je vous remercie

Source : GMT

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